LE PAPE FRANÇOIS AU CONGRÈS DES ABBÉS BÉNÉDICTINS le 8 septembre 2016

C’est le Christ lui-même qui nous invite à être « miséricordieux comme le Père est miséricordieux » (Lc 6, 36) ; et vous êtes les témoins privilégiés de ce « comment », de cette « façon » miséricordieuse d’agir de Dieu. En effet, si c’est uniquement dans la contemplation de Jésus Christ que l’on saisit le visage de la miséricorde du Père (cf. Misericordiae vultus, n. 1), la vie monastique constitue une voie maîtresse pour faire cette expérience contemplative et la traduire en témoignage personnel et communautaire.

Le monde d’aujourd’hui montre toujours plus clairement qu’il a besoin de miséricorde; mais celle-ci n’est pas un slogan ou une recette: c’est le cœur de la vie chrétienne et, dans le même temps, son style concret, le souffle qui anime les relations interpersonnelles et rend attentifs aux plus démunis et solidaires avec eux. C’est, en définitive, ce qui manifeste l’authenticité et la crédibilité du message dont l’Eglise est dépositaire et annonciatrice. Or, à cette époque et dans cette Eglise appelée à viser toujours plus à l’essentiel, les moines et les moniales conservent par vocation un don particulier et une responsabilité spéciale: celle de garder vivantes les oasis de l’esprit, où pasteurs et fidèles peuvent puiser aux sources de la divine miséricorde. Pour cela, dans la récente Constitution apostolique Vultum Dei quaerereje m’adresse ainsi aux moniales et, de manière plus large, à tous les moines : « Que la devise de la tradition bénédictine “ora et labora” soit pour vous encore et toujours valable, qu’elle vous enseigne à trouver un rapport équilibré entre la tension vers l’Absolu et l’engagement dans la responsabilité quotidienne, entre la quiétude de la contemplation et la diligence du service » (n. 32).

En cherchant, avec la grâce de Dieu, à vivre de façon miséricordieuse dans vos communautés, vous annoncez la fraternité évangélique à partir de tous vos monastères présents dans toutes les régions de la planète ; et vous le faites à travers ce silence actif et éloquent qui laisse parler Dieu dans la vie assourdissante et distraite du monde. Que le silence que vous observez et dont vous êtes les gardiens soit nécessairement « précédé d’un regard de foi qui accueille la présence de Dieu dans votre histoire personnelle, dans les frères et les sœurs que le Seigneur vous donne et dans les événements du monde contemporain » (ibid., n. 33). Même si vous vivez séparés du monde, votre clôture n’est pas stérile, au contraire, elle est « une richesse et non un obstacle à la communion » (ibid., n. 31). Votre travail, en harmonie avec la prière, vous fait participer à l’œuvre créatrice de Dieu et vous rend « solidaires des pauvres qui ne peuvent vivre sans travailler » (ibid., n. 32). Avec votre hospitalité typique, vous pouvez rencontrer les cœurs des personnes les plus égarées et éloignées, de ceux qui se trouvent dans une situation de grave pauvreté humaine et spirituelle. …Et votre vie contemplative est aussi un canal privilégié pour alimenter la communion avec vos frères des Eglises orientales.

…Ne vous laissez pas décourager si les membres des communautés monastiques diminuent en nombre ou vieillissent; au contraire, conservez le zèle de votre témoignage, y compris dans les pays aujourd’hui plus difficiles, avec la fidélité au charisme et le courage de fonder de nouvelles communautés. Votre service rendu à l’Eglise est très précieux. Notre époque aussi a besoin d’hommes et de femmes qui ne placent rien avant l’amour du Christ (cf.Règle de saint Benoît, 4, 21; 72, 11), qui se nourrissent quotidiennement de la Parole de Dieu, qui célèbrent dignement la sainte liturgie, qui travaillent heureux et actifs, en harmonie avec la création.

 

Popelambblessing

Le jour de la fête de Sainte Agnès, 21 janvier 2006, le Pape Benoît XVI bénie les agneaux pour le pallium presentés par trois moines cisterciens, Dom Giacomo, abbé de Tre Fontane, à Rome, Fra Ludovico de Tre Fontane, et Père Graham de Notre-Dame du Calvaire.

Benoît XVI sur la Vie Cloîtrée

En octobre 2011, pendant sa visite chez les chartreux de Serra San Bruno, Benoît XVI a dit : « Je rends grâce au Seigneur qui m’a conduit dans ce lieu de foi et de prière Le Pape s’est exprimé sur le cœur de la spiritualité monastique, en l’appelant : « le fort désir d’entrer en union de vie avec Dieu, en abandonnant tout le reste, tout ce qui empêche cette communion et en se laissant saisir par l’immense amour de Dieu pour vivre seulement de cet amour. »« Chaque monastère — masculin ou féminin — est une oasis où, avec la prière et la méditation, on creuse sans cesse le puits profond où puiser l’«eau vive» pour notre soif la plus profonde. » « Le moine, en quittant tout, court pour ainsi dire un «risque»: il s’expose à la solitude et au silence pour ne vivre de rien d’autre que l’essentiel, et c’est précisément en vivant de l’essentiel, qu’il trouve aussi une profonde communion avec ses frères, avec chaque homme. »« Certains pourraient penser qu’il est suffisant de venir ici pour faire ce «saut». Mais ce n’est pas le cas. Cette vocation, comme toute vocation, trouve une réponse en chemin, dans la recherche de toute une vie. Il ne suffit pas en effet de se retirer dans un lieu comme celui-ci pour apprendre à être en présence de Dieu. De même, dans le mariage, il ne suffit pas de célébrer le sacrement pour devenir effectivement un, mais il faut laisser la grâce de Dieu agir et il faut parcourir ensemble le quotidien de la vie conjugale, de même devenir moine exige du temps, de l’exercice, de la patience, «dans une persévérante veille divine — comme l’affirmait saint Bruno — en attendant le retour du Seigneur pour lui ouvrir immédiatement la porte» (Lettre à Rodolphe, 4); et c’est précisément en cela que consiste la beauté de toute vocation dans l’Eglise: donner le temps à Dieu d’œuvrer avec son Esprit, et à sa propre humanité de se former, de croître selon la mesure de la maturité du Christ, dans cet état de vie particulier. Dans le Christ, il y a le tout, la plénitude; nous avons besoin de temps pour faire nôtres les dimensions de son mystère. Nous pourrions dire que cela est un chemin de transformation dans lequel est mis en œuvre et se manifeste le mystère de la résurrection du Christ en nous, un mystère que nous a rappelé ce soir la Parole de Dieu dans la Lecture biblique, tirée de la Lettre aux Romains: l’Esprit Saint, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, et qui donnera la vie aussi à nos corps mortels (cf. Rm 8, 11), est Celui qui opère aussi notre configuration au Christ selon la vocation de chacun, un chemin qui va des fonts baptismaux jusqu’à la mort, le passage vers la maison du Père. Quelquefois, aux yeux du monde, il semble impossible de demeurer toute sa vie dans un monastère, mais en réalité toute une vie est à peine suffisante pour entrer dans cette union avec Dieu, dans cette Réalité essentielle et profonde qu’est Jésus Christ.

C’est pour cette raison que je suis venu ici, chers frères, qui formez la communauté des chartreux de Serra San Bruno! Pour vous dire que l’Eglise a besoin de vous, et que vous avez besoin de l’Eglise. Votre place n’est pas marginale: aucune vocation n’est marginale dans le peuple de Dieu: nous sommes un seul corps, dans lequel chaque membre est important et a la même dignité, et est inséparable du tout. Vous aussi, qui vivez dans un isolement volontaire, vous êtes en réalité au cœur de l’Eglise et vous faites courir dans ses veines le sang pur de la contemplation et de l’amour de Dieu. »

Le Pape Benoît XVI sur la Règle de saint Benoît. 

La vie de saint Benoît était plongée dans une atmosphère de prière, fondement central de son existence. Sans prière l'expérience de Dieu n'existe pas. Mais la spiritualité de Benoît n'était pas une intériorité en dehors de la réalité. Dans la tourmente et la confusion de son temps, il vivait sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les devoirs de la vie quotidienne et l'homme avec ses besoins concrets. En voyant Dieu, il comprit la réalité de l'homme et sa mission. Dans sa Règle, il qualifie la vie monastique d'"école du service du Seigneur" (Prol. 45) et il demande à ses moines de "ne rien placer avant l'Œuvre de Dieu [c'est-à-dire l'Office divin ou la Liturgie des Heures]" (43, 3). Il souligne cependant que la prière est en premier lieu un acte d'écoute (Prol. 9-11), qui doit ensuite se traduire par l'action concrète. "Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par les faits à ses saints enseignements", affirme-t-il (Prol. 35). Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde entre action et contemplation "afin que Dieu soit glorifié en tout" (57, 9). En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd'hui souvent exaltée, l'engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu (58, 7) sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant (5, 13), ne devant rien placer avant l'amour pour celui-ci (4, 21; 72, 11) et c'est précisément ainsi, au service de l'autre, qu'il devient un homme du service et de la paix. Dans l'exercice de l'obéissance mise en acte avec une foi animée par l'amour (5, 2), le moine conquiert l'humilité (5, 1), à laquelle la Règle consacre un chapitre entier (7). De cette manière, l'homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l'image et à la ressemblance de Dieu.

A l'obéissance du disciple doit correspondre la sagesse de l'Abbé, qui dans le monastère remplit "les fonctions du Christ" (2, 2; 63, 13). Sa figure, définie en particulier dans le deuxième chapitre  de  la Règle, avec ses qualités de beauté spirituelle et d'engagement exigeant, peut-être considérée comme un autoportrait de Benoît, car - comme l'écrit Grégoire le Grand - "le saint ne put en aucune manière enseigner différemment de la façon dont il vécut" (Dial. II, 36). L'Abbé doit être à la fois un père tendre et également un maître sévère (2, 24), un véritable éducateur. Inflexible contre les vices, il est cependant appelé à imiter en particulier la tendresse du Bon Pasteur (27, 8), à "aider plutôt qu'à dominer" (64, 8), à "accentuer davantage à travers les faits qu'à travers les paroles tout ce qui est bon et saint" et à "illustrer les commandements divins par son exemple" (2, 12). Pour être en mesure de décider de manière responsable, l'Abbé doit aussi être un personne qui écoute "le conseil de ses frères" (3, 2), car "souvent Dieu révèle au plus jeune la solution la meilleure" (3, 3). Cette disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze siècles! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce qu'il écoute.

Benoît qualifie la Règle de "Règle minimale tracée uniquement pour le début" (73, 8); en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu'à aujourd'hui.

Avant l'Angelus du dimanche 19 novembre 2006, le Saint Père, Benoît XVI a prononcé les paroles suivantes.

Chers frères et soeurs,

Après-demain, 21 novembre, à l’occasion de la mémoire liturgique de la Présentation de la Très sainte Vierge Marie au Temple, nous célébrerons la Journée pro Orantibus, consacrée aux communautés religieuses de clôture. Il s’agit d’une occasion particulièrement propice pour remercier le Seigneur pour le don de tant de personnes qui, dans les monastères et les ermitages, se consacrent totalement à Dieu dans la prière, dans le silence et retirées du monde. Certaines personnes se demandent quels peuvent être le sens et la valeur de leur présence à notre époque, où les situations de pauvreté et de besoin auxquelles il faut faire face sont nombreuses et urgentes. Pourquoi « s’enfermer » pour toujours entre les murs d’un monastère et priver ainsi les autres de la contribution de ses capacités et de ses expériences ? Quelle efficacité peut avoir leur prière pour résoudre les nombreux problèmes concrets qui continuent d’affliger l’humanité ?

Et pourtant, aujourd’hui, suscitant souvent la surprise parmi leurs amis et leur entourage, de nombreuses personnes abandonnent des carrières professionnelles souvent prometteuses pour embrasser la règle austère d’un monastère de clôture. Qu’est-ce qui les pousse à faire un pas aussi exigeant sinon le fait d’avoir compris, comme l’enseigne l’Evangile, que le Royaume des cieux est « un trésor » pour lequel il vaut vraiment la peine de tout abandonner (cf. Mt 13, 44) ? En effet, ces frères et sœurs témoignent en silence qu’au cœur des activités souvent frénétiques de chaque jour, le seul soutien qui ne vacille jamais est Dieu, rocher inébranlable de fidélité et d’amour. « Todo se pasa, Dios no se muda » (Tout passe, Dieu ne change pas), écrivait la grande maîtresse spirituelle sainte Thérèse d’Avila dans un de ses textes célèbres. Et face à la nécessité diffuse que ressentent de nombreuses personnes, de sortir de la routine quotidienne des grandes agglomérations urbaines à la recherche d’espaces propices au silence et à la méditation, les monastères de vie contemplative se présentent comme des « oasis » dans lesquelles l’homme, en pèlerinage sur la terre, peut mieux puiser aux sources de l’Esprit et se désaltérer en chemin.

Ces lieux, par conséquent, apparemment inutiles, sont en revanche indispensables, comme les « poumons » verts d’une ville : ils font du bien à tous, y compris à ceux qui ne les fréquentent pas et en ignorent peut-être l’existence.

Chers frères et soeurs, rendons grâce au Seigneur, qui dans sa providence a voulu les communautés de clôture, masculines et féminines. Que notre soutien spirituel et même matériel, ne leur fasse pas défaut, afin qu’ils puissent accomplir leur mission, celle de maintenir vivante dans l’Eglise l’attente ardente du retour du Christ.

Le Pape Benoît XVI salue Père Graham

Le Pape Benoît XVI salue Père Graham